?Avoir le coeur d’une mère

mjoa Sunday November 9, 2008 482

«  Avoir le coeur d’une mère envers les autres et un coeur de pierre envers soi-même  », un adage spirituel traçant la relation à l’autre à l’image de la relation mère-enfant.

 Ceci est fondé sans doute sur la tendresse porté par Dieu envers l’homme. En effet, la Bible atteste à plusieurs reprises la tendresse maternelle de Dieu, elle parle de ses « entrailles de miséricorde », au sens utérin. «  Comme un homme que sa mère réconforte, ainsi Je vous réconforterai », ainsi  parle le Seigneur (Esaie 66 : 13 ). Saint Jean évoque «  le sein du Père » (1 : 18). Clément d’Alexandrie écrit : «  par sa mystérieuse divinité, Dieu est Père. Mais la tendresse qu’il nous porte le fait devenir mère. Le Père se féminise en aimant ».  (1)

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Quelles sont les caractéristiques de l’amour maternel que la Bible emprunte pour parler de l’amour de Dieu et que les grands spirituels, comme Saint Issaac le syrien et Saint Silouane l’Athonite, emploient comme critère essentiel de la perfection de notre vie en Christ ?

L’Archevêque Georges Khodr écrit : « quand même les âmes s’enlaidissent, tu les embellit par l’amour. Ainsi l’enfant paraît-il beau aux yeux de sa mère… c’est une découverte d’une beauté latente…la splendeur de l’âme se réveille [et] se dessine sur le visage ». (2)

Un article récent intitulé «  the neurobiology of love » (3)  essaie de tracer une cartographie fonctionnelle  des régions cérébrales activées lorsque des mères sont invitées à regarder des photos de leurs enfants. Il est significatif de noter la désactivation des régions associées aux émotions négatives et au jugement social. L’attachement mère-enfant emploie un mécanisme neuro-biologique qui permet le dépassement des distances rationelles et sociales en désactivant les réseaux neuronaux impliqués dans le jugement critique. Cette désactivation chevauche avec celle observée dans l’amour passionnel, expliquant en partie la folie de l’amour (se rappeler l’adage patristique manikos eros décrivant l’amour fou de Dieu pour l’homme) ou l’aveuglement par l’amour, et la capacité des mères à surpasser les faiblesses de leurs enfants. Par ailleurs l’amour maternel paraît activer une région du cerveau impliquée dans la reconnaissance et l’analyse des visages en vue d’une lecture appropriée de leurs expressions ; l’attention constante portée par la mère au visage de son enfant ayant pour objectif d’assuer le bien- être de celui-ci.  

L’adoption de cette attitude d’attention aimante qui s’abstient de juger envers l’autre est thérapeutique. Thérapeutique pour l’autre car elle lui fait entrevoir le visage du Dieu-Amour- et cette rencontre est transformante ; et lui donne l’occasion de réveiller sa beauté latente, empreinte voilée de l’image divine et îcone négligée. Thérapeutique aussi pour soi-même car c’est une vraie ascèse que d’aimer sans juger, avec le maintien ininterrompu d’une attention et d’une sensibilité exquise aux besoins de l’autre ; avec l’autre ascèse encore plus difficile de travailler les mines c’est- à- dire trouver l’or de l’autre et le purifier.

Les multiples facettes de l’adage « avoir le coeur d’une mère envers les autres » paraissent inépuisables. Inscription de l’Amour Divin lui-même dans nos coeurs et cerveaux, et activation de l’image indiscible vers une ressemblance sans terme, il est, à celui qui le suit, un chemin de guérison et une voie de participation au flux de l’Amour trinitaire. 

 

1. le christianisme. Olivier Clément, Jean Rogues, Jean Baubérot. Edition Fayard.
2. لو حكيت مسرى الطفولة. المطران جورج خضر. دار النهار
     3. The neurobiology of love. S.Zeki. FEBS Letters 581 (2007) 2575–799

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