Si la résistance en électricité est une constante inversement proportionnelle à l’intensité du courant qui traverse un conducteur, la conductance est la constante contraire. Le passage du courant est d’autant plus facile que la résistance est faible et la conductance importante. J’emprunte ces termes physiques pour essayer d’approcher, sous une perspective imagée, plusieurs assertions de la Bible et de la tradition décrivant notre attitude vis à vis du Saint Esprit.
La conductance à l’Esprit est manifestement conditionnée alors par l’enracinement dans le Verbe. Jésus l’explicite dans son discours solennel au dernier jour de la fête des tentes : « si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que boive celui qui croit en moi. Comme l’a dit l’écriture : de son sein couleront des fleuves d’eau vive » ; le passage explique qu’il « désignait ainsi l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jean 7 : 37-39). Car si le breuvage spirituel est l’Esprit, le rocher-source est le Christ (1Co 10 : 4).
Le milieu de cet enracinement est la communauté. Le baptême et l’imposition des mains des apôtres sont inséparablement intriqués dans l’Acte des Apôtres.
Des prémices de cette vision se laissent entrevoir dans l’Ancien Testament. Il est dit dans le premier psaume que celui « qui se plait à la loi du Seigneur et récite sa loi jour et nuit (…) est comme un arbre plante près des ruisseaux ». Le livre de la Sagesse déclare que « le Saint Esprit qui éduque fuit la duplicité, il s’écarte des pensées folles » et aussi « la Sagesse n’entre pas dans une âme malfaisante, elle n’habite pas dans un corps grevé par le péché » (sagesse 1 :4-5).
En fait, les péchés diminuent la conductance au Saint Esprit. La colère le fait fuir (Cf Saint Jean Climaque et Saint Séraphin de Sarov). Contrairement aux saints qui resplendissent comme le soleil au Royaume de Dieu, les maudits sont sombres : c’est les réactions contraires du cristal (transparent) et du charbon (opaque) sous la lumière du soleil (Saint Grégoire Palamas et Saint Symeon le nouveau théologien utilisent des registres imagés semblables). L’amour divin agit comme lumière pour les uns et comme un feu pour les autres (Saint Isaac le Syrien) selon leur état spirituel.
L’objectif de la vie en Christ est l’acquisition du Saint Esprit, selon Saint Séraphin de Sarov. Dans sa terminologie, elle est synonyme de déification. C’est toute l’Economie du salut qui vise cet objectif. Le Verbe s’est fait chair pour que l’homme devienne pneumatophore, porteur de L’Esprit. L’ascèse, elle, vise à personnaliser cette acquisition et faciliter la réceptivité aux dons des Sacrements. C’est la synergie entre la Grâce divine et la réponse de l’homme, sa conductance.
Toute la dynamique de la vie chrétienne se joue peut-être au niveau de la conductance à l’Esprit.