.Un Dimanche pas comme les autres, à Damas, le 18 Octobre 2009

mjoa Tuesday October 20, 2009 200

bishopeframOct19 (2)Levés avant les aurores, ayant fait 5 à 6 heures de route, venant de tous les diocèses antiochiens du Liban et de la Syrie, des milliers de fidèles, dont beaucoup de jeunes, remplissaient la Cathédrale patriarcale de la Dormition (connue sous le nom de Al Mariamiya : ‘celle de Marie’) à Damas, pour participer à l’ordination épiscopale d’Ephrem (Kyriakos), Higoumène et fondateur de la fraternité monastique du couvent saint Michel, à Beqaata, dans le diocèse du Mont Liban. Une marée humaine, joyeuse, chaleureuse et fervente. La vaste cathédrale était remplie dans ses moindres recoins.

Les quatre heures de l’office passèrent comme en un instant. Sa Béatitude, le Patriarche Ignace, entouré d’une douzaine de métropolites et d’évêques, non seulement présidait, mais du début jusqu’à la fin, participait à la psalmodie d’une voix ayant gardé sa vivacité et sa jeunesse, malgré son grand âge. L’assistance, généralement silencieuse et priante, clama comme d’une seule voix retentissante les ‘Axios’ et les ‘moustahiq’, lors de l’ordination. Je pense que les ‘voix’ que Basile le Grand décrivait comme un ‘tonnerre’, dans ses églises, lors de l’Amen de l’Epiclèse devaient y ressembler. Personnellement, souvent ému aux larmes, et ayant eu tout d’abord la naïveté de penser que j’étais un des rares qui tentaient de cacher leur émotion, je constatais bientôt que cette émotion et ses larmes, de joie, d’action de grâce, mais aussi d’espérance, habitaient de bien nombreux regards autour de moi.

La cérémonie et la grande assistance me remettaient en mémoire l’ambiance que, nous autres, les jeunes d’alors, avions vécu, lors de l’ordination des évêques Ignace (Hazim) et Georges (Khodr) et bien d’autres, au tournant des années soixante soixante-dix du siècle dernier, qui étaient les premières ordinations des protagonistes du mouvement de renouveau de l’Eglise d’Antioche, débuté il y avait une trentaine d’années. Je pense que les jeunes d’aujourd’hui voient en Mgr. Ephrem, ce que leurs aînés avaient espéré alors, à savoir le renouveau des structures de l’Eglise et une ouverture encore plus grande à la mission. Ils y voient une relève pour continuer ce que certains de ses aînés dans l’épiscopat ont déjà commencé. D’ailleurs, ses ‘témoins’, juste avant l’imposition des mains, furent Mgr. Georges (Khodr), métropolite du Mont Liban et Mgr. Youhanna (Mansour), métropolite de Lattakié, qui sont tous deux des symboles de la première génération de ce renouveau antiochien. Cela ne fut pas perçu par beaucoup comme une coïncidence, mais comme voulu par l’Esprit, dont la présence dans la Cathédrale était omniprésente. Continuer certes, mais aussi ouvrir les chantiers que les circonstances n’ont pas encore permis d’entamer. Il y a urgence. Comme l’a dit Mgr. Ephrem, dans l’allocution, prononcée lors de son intronisation, ‘les temps sont mauvais’ et il faut agir d’urgence. Une autre coïncidence, considérée comme hautement symbolique, a consisté en ce que ses ‘témoins’, juste avant son entrée au sanctuaire pour y être sacré, les archimandrites Ishaq (Barakat) (higoumène du couvent Notre Dame de Balamand) et Antoine (Soury) (prêtre de paroisse à Tripoli), furent l’un et l’autre Chefs de Centre du MJO, à Damas et Tripoli respectivement.

 

Mgr. Ephrem suscite de grandes espérances.

 

A la fois pétri de tradition et rénovateur. L’église dont il a été le promoteur, au couvent saint Michel, allie avec audace et succès l’ancien édifice ogival à une architecture des plus modernes.

Ascète et ouvert au monde. Il a toujours recherché la perfection en tout ce qu’il entreprend. A l’écoute des interpellations des jeunes, se tenant au courant des défis du monde contemporain, souffrant des problèmes qui ternissent le témoignage de l’Eglise, il les porte tous, le cœur et l’esprit aimants, dans sa prière et appelle à trouver des solutions englobant, loin de tout cléricalisme, l’ensemble du peuple de Dieu, des solutions respectueuses de l’autre et aimantes. Son souci majeur est que son faire soit en tout conforme à son dire et au dire de l’Eglise. Cette attitude, alliée à une humilité extrême et une disponibilité totale à les écouter, plutôt que de les asséner de sermons et de discours, lui à gagné le cœur des jeunes et des moins jeunes. Nombreux sont ses disciples, et partout dans les diocèses de l’Eglise d’Antioche (et bien au-delà, au Canada, aux Etats-Unis et ailleurs) qu’il visitait régulièrement.

 

Je l’ai connu, il y a bien longtemps, au début des années 1960, quand, étudiant à l’Ecole d’ingénieurs de Beyrouth, il militait au sein des équipes d’universitaires du MJO (par la suite, en 1970, il devint Chef du Centre MJO de Beyrouth). Une fois diplômé, il se spécialisa à l’étranger (Supélec) et rentré au pays, travailla en tant qu’ingénieur et en tant que dirigeant d’une école technique et enseignant à l’Université saint Joseph. Peu après, en 1972, il décida de tout quitter pour étudier la théologie à Balamand. Diacre en 1974, il dut compléter ses études à Tessalonique, à cause de la guerre libanaise. Appelé au pays pour prendre la direction de l’Institut de Balamend, lors de sa réouverture, jusqu’en 1981, date à laquelle il quitta de nouveau le Liban pour Chypre et puis l’Athos, où il passa plusieurs années à l’ombre de grands spirituels (il a connu l’Ancien Paїssios et bien d’autres), devenant moine par la totale obéissance et l’expérience vécue, devenant disciple de l’Ancien Parthénios, l’higoumène du Monastère saint Paul qui a participé grandement au renouveau du monachisme cénobitique traditionnel à l’Athos. Il y reçoit le grand ‘schème’ en 1983, et retourne au Liban fonder sa propre communauté en 1984.

 

Mgr. Ephrem ne voulait certes pas l’épiscopat. Contrairement à beaucoup d’autres, il ne l’avait jamais désiré. Il n’a pas hésité pourtant, se remettant aux mains du Seigneur, et considérant l’appel du saint Synode comme venant de Dieu, au service duquel et de son Eglise, il a consacré toute sa vie. A ceux qui espéraient de lui un refus, pour de soit disant bonnes et moins bonnes raisons, il rappelait avec douceur qu’il est ‘le fils de l’obéissance’. Que Dieu suscite davantage de moines qui ne se prennent pas au sérieux et qui, hors du monde en portent les soucis, pour faire connaître aux hommes, sans exclusive et loin des tabous, qu’ils sont aimés à ‘la folie’ par Celui qui s’est donné pour les sauver, et à l’image duquel, des moines, tels Mgr. Ephrem, veulent conformer leur vie.

Axios !

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