Chroniques Antiochiennes

mjoa Friday February 12, 2010 214
Par Carol Saba,
  • La montée vers Pâques ! Et ce qu’elle implique ! — Saint Ephrem, le discernement, le repentir, et « l’Eglise des pécheurs » repentants !
  • Monachisme Antiochien !
  • Icônes & Fresques d’Antioche !
La montée vers Pâques ! Et ce qu’elle implique ! — Saint Ephrem, le discernement, le repentir, et « l’Eglise des pécheurs » repentants !
I- La montée vers Pâques ! La montée vers Pâques. La Pâques du Seigneur. La nôtre aussi. La montée vers Pâques n’est point qu’une répétition annuelle, ritualiste, d’une série d’offices qui commencent par le Triode et culminent avec la Semaine lumineuse de la sainte Pâques. N’est ce pas aussi, notre Pâques à nous ? A chacun de nous ? N’est-ce pas le point culminant d’une dynamique de montée à la rencontre du Seigneur ? N’est-ce pas un retour vers notre baptême ? Par trois immersions dans l’eau, l’homme « ancien » en nous meurt. L’homme nouveau, né à la vie. Mais à la vie « en Christ ». En Christ, que nous revêtons. « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ », disait saint Paul aux Galates (Galates, 3:27). Nous le chantons. Nous le répétons fiers. Dans tous nos offices de baptême. Mais prenons-nous la mesure de cette parole de l’Apôtre des nations ? Est-ce que nous nous hissons à la hauteur du « revêtement » du Christ ? Pour qu’Il devienne partie intégrante de notre être. De notre peau. De notre identité. De notre existence. De notre respiration. Interne et externe. Pour qu’Il devienne notre Sud et notre Nord. Notre Est et Ouest aussi. Mais, soyons honnêtes. L’homme “ancien” en nous, refuse de céder. Il résiste. A chaque fois que nous lui cédons. C’est au dépend du nouvel Adam en nous que nous cédons. A chaque fois que nous lui cédons, c’est au dépend du Christ que nous cédons. Dans quelle mesure, nous nous interrogeons sur notre baptême ? Dans quelle mesure nous le réalisons ? Jour après jour. Tout au long de l’année. Et pas seulement à l’approche de la date annuelle de Pâques. Dans quelle mesure, nous accomplissons notre baptême en Christ ? Dans quelle mesure, “nous tous qui avons été baptisés en Christ”, nous continuons à revêtir le Christ ? Suffit-il pour cela de se dire chrétien ? Suffit-il de participer à un certain mode de vie communautaire pour l’être ? Vraiment ? En vérité ? Suffit-il de construire le temple “externe” ? De montrer son apparat, ses rites, ses ornements et son cérémonial ? « Il n’y a pas de place lorsqu’on parle de l’Eglise, pour le nombre, pour l’argent, pour les bienfonds dédiés ou donnés à l’église. Que les chrétiens se chiffrent en deux milliards ceci n’est que de la sociologie et point de la théologie. Le christianisme est une qualité d’existence. Quand il s’agit de la vérité, les corps ne comptent pas. Ainsi, le christianisme n’est point un regroupement de familles, de tribus, ni de paroisses organisées en cléricaux et laïcs. Mais c’est le Saint Esprit agissant ». La parole est au métropolite Georges (Khodr) du Mont Liban publiée dans un éditorial (« L’Eglise des pêcheurs », métropolite Georges (Khodr) du Mont Liban, « Editorial », quotidien libanais, An Nahar, samedi 6 février 2010) très inspirée, écrit avec ce style prophétique et prophétisant qu’on lui connaît. L’objectif n’est-il donc pas d’édifier le temple interne selon la mesure de la vérité ? Dans quelle mesure, nous transformons en nous, les « cycles de mort » qui nous ramènent à l’homme « ancien » qui est toujours en nous, en « cycles de vie et de résurrection » qui nous rapprochent jour après jour de la vie en Christ ? Dans quelle mesure le faisons-nous non seulement dans nos relations avec ceux qu’on aime et apprécie ? Mais, surtout, avec celles/ceux qui nous tiennent à distance ? Pour le père Alexandre Schmemann (A. Schmemann, Le grand Carême. Coll. « Spiritualité orientale », n° 13, éd. abbaye de Bellefontaine, 1974. pp, 9, 14-15), la montée vers Pâques est comme un voyage spirituel à accomplir. Ce voyage passe par le Carême qui n’est pas que de l’abstinence de viande et  des laitages. Mais un retournement, un renversement, une remise en cause de soi, un voyage qui nous porte vers l’Unique nécessaire, par le « sacrement de l’autel », et vers le reflet du visage du Seigneur dans le visage de chaque frère à nous, ici et maintenant, par le « sacrement du frère ». N’est ce pas tout le sens de l’Evangile de ce dimanche d’abstinence de viande, qu’on appelle aussi dimanche du Jugement ? « Seigneur, Quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à voir ? Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir, nu et de te vêtir ? … » (Matthieu 25, 37). “Le Carême est un voyage spirituel et sa destination est Pâques, la fête des fêtes”, écrivait le père Alexandre Schmemann2. Un voyage qui implique de chacun de nous de connaître sa feuille de route. Sa destination. Son objectif. Et surtout comment y arriver. Car voyager implique pour le voyageur de savoir où il va et comment il s’y prend pour y aller et y arriver. Si nous ne savons pas où nous allons, comment avancer alors vers notre destination ? Comment de surcroît y arriver ? Que de gens tournent en rond, dans l’Eglise, de ce fait et font du surplace. N’est ce pas là la pire des choses ? « Pâques est notre retour annuel à notre propre baptême, disait le père Schmemann, tandis que le Carême est notre préparation à ce retour, l’effort lent et soutenu pour, finalement, accomplir notre propre «passage» ou «pâque» dans la nouvelle vie en Christ. » La nouvelle vie en Christ. C’est là l’essentiel.
II- La montée vers Pâques n’est pas un voyage individuel, ni une affaire privée. Ce n’est pas non plus qu’une affaire personnelle. C’est une entreprise ecclésiale à deux niveaux, personnel et ecclésial. Car l’Eglise est le corps du Christ et non pas une addition de personnes et de situations qui se juxtaposent et qui se côtoient, sans se mouler et se fondre. Ne sommes-nous pas redevables tous les uns des autres ? Responsables les uns des autres ? « Confions-nous, nous mêmes les uns les autres et toute notre vie en Christ notre Dieu ». Tout ce qui se passe, tout ce qui se fait, tout ce qui se respire “en Eglise” concerne tous et tout un chacun. Au premier degré. Au premier plan. Avec la même importance et intensité. Autrement, l’Eglise n’est plus l’Eglise. N’est plus cette totalité indivisible de personnes rassemblées en Christ et constituant Son corps dont Lui est la tête. Si on la divise, si on la saucissonne, si on la calque sur les divisions du monde d’ici bas, l’Eglise devient une partie de ce monde ici bas, tiraillée par les intérêts contradictoires des uns et des autres. Ne construisons pas l’Eglise selon l’échelle de notre monde d’ici bas car si tel était le cas elle ne pourra pas être l’Echelle qui nous tire vers le monde céleste, le monde du royaume de Dieu. Le chemin n’est pas abstrait ni théorique. Il est parfaitement concret et passe par la « communion ». Et la communion ne s’improvise pas, elle se construit.
III –« De l’Eglise des pêcheurs vers l’Eglise des pêcheurs, repentants. » Le discernement, le repentir, le retour vers le Père. Rien n’est possible tant que l’homme ne se tourne pas sur lui-même. Tant que l’homme ne renverse pas la perspective. Oser se revoir. Oser se remettre en question. Se remettre en cause. Non pas pour douter de soi. Mais pour mieux avancer vers soi et … vers les autres. Sortir de sa propre suffisance. Tout cela réside dans la parole de saint Ephrem le Syrien (+373). Dans sa prière qui, là aussi, ne doit pas se transformer en un simple ritualisme pour temps de Carême. Le repentir est une entreprise excessivement difficile. Excessivement douloureuse. Car on s’installe sans le savoir dans beaucoup de suffisances, dans beaucoup de certitudes qui deviennent la tour qu’on érige et dans laquelle on s’enferme et à partir de laquelle nous jugeons les autres.
IV- On ne se réveille pas du jour au lendemain repentant. Le repentir est une dynamique, de celui qui a tourné son visage vers Jérusalem. C’est une exigence, de vérité et d’amour. Ce n’est pas un protocole qu’on applique. On ne peut se prétendre repentant que si on commence par l’autocritique, par la remise en cause, par un questionnement interne. C’est à partir de là que le Seigneur commence à agir, à porter, à soutenir cette dynamique du retour vers le Père. L’Eglise est pleine de faux repentants qui font très bien, dans la forme, les métanies mais qui leur manque le vrai sens du repentir et, qu’on se doit d’aimer quand même. C’est là toute la démarche de la prière de saint Ephrem que l’église place devant nos yeux pendant la période de Carême. Non pas pour le ritualisme des métanies. Mais pour que celles-ci soient réellement le vecteur de ce changement de perspective. « Qui de nous, sent que la conformité de son comportement à la Parole constitue toute sa vie ?, écrit le métropolite Georges dans son éditorial. Tout ce qui est en deca de cette qualité de vie n’est autre que chair, sang, distraction et ornement ? Il me semble que certains parmi nous ne vivent et bougent qu’en pensant que les rites leur donnaient tout ! Je pense que ce patrimoine chrétien constitue la sommité de l’existence, ou bien son onctuosité, ou bien encore sa joie. Mais si on s’enivre dans ses formes et si on n’absorbe pas tout le sens et l’essence de ce patrimoine chrétien pour le transformer en un feu en nous, il devient alors quelque chose de mort et de mortifiant. Ce qui condamne en toi l’élan vers le giron du Seigneur et tu resteras prisonnier de cette terre, ici bas ». De même, le métropolite Georges alerte contre les risques (que nous expérimentons ici et là) de transformer l’Eglise en institution. « Tu rentres dans une prison si l’Eglise se transforme pour toi, en une institution. Quand seuls comptent pour toi le nombre de personnes que compte ta communauté, son argent et son apparence d’aujourd’hui et les gloires du passé en comparant ta gloire à celle des autres. La comparaison des gloires est une conception religieuse chez certain de telle manière que nous devenons les témoins de ce qui est humain. Tu concentres alors dans ton esprit et dans tes sentiments ce que nous pouvons appeler une religion mais pas la foi. ».
V- Le jeûne, le carême, la prière de saint Ephrem ? N’est ce pas là aussi un appel pour vivre la foi et dépasser la religion ? Une fois en Lui qui peut penser à jeûner ? Qui jeûne en présence de l’Epoux ? N’est ce pas un jour où nous festoyons, comme c’est le cas pour la fête que le père ordonne au retour du fils prodigue ? Donc ne faisons pas du jeûne (même s’il est nécessaire selon les préceptes de notre Eglise orthodoxe pour nous édifier) un simple rituel pharisien et une fin en soi mais un moyen pour dépasser le jeûne pour arriver à Lui.

Prière de Carême de saint Ephrem
Seigneur et maître de ma vie, éloigne de moi l’esprit d’oisiveté, de découragement, de domination et de vaines paroles. Et fais-moi grâce, à moi ton serviteur, de l’esprit d’intégrité, d’humilité, de patience et de charité. Oui, Seigneur et roi, donne-moi de voir mes fautes et de ne pas juger mon frère, car tu es béni aux siècles des siècles. Amen
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