Ce livre expose le témoignage que doit accomplir la communauté eucharistique à travers 3 axes :
Témoignage que la vie est offrande, témoignage que la vie est service et partage, et témoignage que la vie est un chantier du Royaume.
J’ai surtout aimé quand il dit que la vraie raison pour laquelle Jésus a été crucifié est qu’il a refusé le pouvoir religieux de son époque. Ainsi, notre témoignage doit plutôt s’éloigner de tout sorte de pouvoir. L’auteur nous mentionne des exemples de la guerre civile, comment les mjo ont aidé les musulmans de la ville de Elmina.
Il cite également d’agréables expériences vécues au sein du mjo il y a plus de 20 ans et qui existent jusqu’a ce jour dans mjo Marine.
1- le groupe de prière : Un groupe qui se réunit, lit un passage d’évangile, et prit ensemble des prières personnelles. Jésus est apparu alors pour le groupe, non plus comme une idée, ou une personne étrangère, mais une personne véritable, ami des hommes.
2- le carême de partage : Ce que font les mjo de elmina dans chaque carême, c’est que chaque membre d’un groupe, apporte pour la réunion hebdomadaire du groupe, ce qu’il a pu réserver, et le met discrètement dans « sandou’ sawm Elmoucharaké » (quête de Carême de Partage) afin que ce qui a été épargné sera partagé avec les plus démunis pendant le temps Pascal.
90 pages agréables à lire, je vous le recommande vivement. Ci-dessous quelques extraits :
La croissance du Royaume passe obligatoirement par des événements historiques libérateurs, et par la construction d’une société plus juste et plus fraternelle, l’affranchissement des opprimés, un partage plus équitable des biens et des chances entre les individus, les groupes et les peuples, une participation de tous a la décision et à l’initiative. Méconnaitre ces dimensions socio-historiques, ces dimensions qu’il faut bien appeler politiques, du Royaume, équivaudrait à méconnaitre le programme messianique proclame par Jésus dans la synagogue de Nazareth, lors de l’inauguration de sa vie publique, programme qu’avait déjà annoncé le prophète Isaïe : « l’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour a la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Luc 4, 18-19). Texte qui reçoit toute sa signification si l’on se souvient que « l’année de grâce du Seigneur » était cette année jubilaire (Levitique 25, 8-17) où devait s’opérer en principe, dans le peuple de Dieu, un affranchissement total des servitudes et des aliénations concrètes, affranchissement qui ne semble jamais avoir été réalisé dans les faits.
Ainsi la communauté eucharistique ne saurait-elle se dérober à cette dimension essentielle de son témoignage qui est d’inscrire dans les engagements historiques concrets, dans des luttes quotidiennes, son espérance du Royaume, anticipant de la sorte « les nouveaux cieux et la nouvelle terre (…) où la justice habitera » (2P3, 11-13). Elle ne pourra rendre crédible la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ que si, loin de se contenter d’attendre passivement la Parousie, elle joint l’anticipation a l’attente, « attendant et hâtant l’avènement du Jour de Dieu » (2P3, 12), selon la vigoureuse formule de la deuxième épitre de Saint Pierre, « éveillant l’aurore », selon l’expression du psalmiste.
La communauté eucharistique ne saurait, sans trahir son identité et sa vocation, s’évader de la terre. Car, comme le souligne ce témoin du Christ jusqu’au martyre que fut Dietrich Bonhoeffer, « celui qui s’évade de la terre ne trouve pas Dieu, mais seulement un autre monde, meilleur, plus beau, plus pacifique, un arrière-monde ; il ne trouve jamais le monde de Dieu, qui advient dans ce monde. Celui qui s’évade de la terre pour trouver Dieu se trouve seulement en lui-même ».
La communauté eucharistique ne saurait, comme nous en avertit Gustavo Gutierrez, limiter la portée du salut a ce qui est purement « religieux » sans voir la globalité du processus, comme le font, dit ce même auteur, « ceux qui, pour protéger le salut (ou protéger leurs intérêts…), le retirent de là où bat le pouls de l’histoire », refusant « de voir que le salut du Christ est une libération radicale de toute misère, de toute spoliation, de toute aliénation ».
C’est dans cet esprit que le MJO du Patriarcat d’Antioche a adopté, lors de son 2ième congres, tenu entre les 26 et 29 décembre 1970, un document intitulé « l’engagement dans les causes de la terre », document qui s’ouvre sur les lignes suivantes : « le MJO est, depuis ses origines, un mouvement d’amour de Dieu et de L’Eglise et, par suite, du monde, car le christianisme enseigne que le ciel et la terre se sont unis dans l’incarnation. Le ciel ne saurait (donc) détourner de la terre : celui qui œuvre pour le ciel, œuvre nécessairement pour la terre car il n’y a pas de divorce entre ce qui vient et ce qui est déjà la. Le Royaume commence a partir d’ici bas, il vient quand le bien-être et le bonheur remplissent la terre, quand s’y généralisent la joie et l’allégresse ».
Le père Cyrille Argenti nous mets en garde, de son coté, contre cette distorsion totale de la célébration eucharistique qui consiste a en faire un alibi contre l’engagement historique…il précise que la réalité nouvelle, entrevue dans le mystère eucharistique, « ne transforme la vie qu’à travers le temps historique ». Il poursuit : « ce qu’on appelle souvent maintenant la liturgie après la liturgie, se déroule dans l’histoire. Entrevoir la réalité du Royaume sans engager le combat de la croix pour faire passer le Royaume dans la vie quotidienne serait fuir le combat de la Croix et ferait de l’eschatologie une utopie ».
« Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18,36), déclare Jésus devant Pilate. Qu’est-ce a dire sinon que, tout en s’édifiant dans le monde, il n’appartient pas à ce qui fait la vétusté, la pourriture et la misère du monde tel qu’il est, mais qu’il lui apporte le « vin nouveau » de la vie, de la joie, de la fête, ce vin qui exige, pour ne pas se répandre et se perdre, des « outres neuves » (Mt 9,17), c’est-à-dire des structures historiques renouvelées ? qu’est-ce à dire sinon que l’irruption du Royaume dans le monde en Jésus-Christ, inaugure, selon l’expression d’Olivier Clément, une « contre-histoire » où la communauté eucharistique, signe et prémices du monde à venir, doit, pour être conséquente avec elle-même, pleinement s’engager, la certitude de la transfiguration finale lui donnant le cœur de recommencer indéfiniment le combat sans se laisser décourager par les résultats toujours précaires et sans cesse menacés ?
« Le Royaume n’est pas de ce monde, et l’engagement de l’amour actif provoque une contre-histoire, écrit Olivier Clément. Il y a l’histoire d’Hérode et de Pilate, qui signifie le massacre des innocents. Et il y a la contre-histoire des Béatitudes qui parfois arrache à l’horreur les innocents.
« Les commandements d’Hérode et de Pilate sont bien connus : Heureux les riches, le royaume de la terre est à eux. Heureux les durs, car ils ont la terre en partage…Heureux ceux qui jouissent : il n’y a pas d’autres consolation, etc. les commandements du Christ sont moins connus : Heureux les pauvres de cœur : le royaume des cieux est à eux. Heureux les doux : ils auront la terre en partage. Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés…Le chrétien est un Sisyphe heureux qui lutte parmi les hommes en sachant que l’histoire seule ne réalisera pas le Royaume mais que le Royaume est déjà en nous et parmi nous (…) la tension entre le Royaume de Dieu et celui de César ouvre l’espace de l’esprit et de la liberté. Seule la croix la résout sans la résoudre, c’est -à- dire l’oriente vers l’espérance. (…)
« Notre espérance n’est pas vide. Ce que nous attendons est déjà là – autrement. Le Royaume est déjà là, « dans le mystère ». il est là dans la célébration eucharistique et dans la liturgie cosmique, il est là dans les moments de contemplation, quand le cœur s’embrase, dans les moments de confiance et de tendresse, dans les gestes de justice et de fraternité, dans un regard ou un sourire, chaque fois qu’une victime est arrachée à un bourreau, chaque fois qu’un bourreau s’identifie au larron et que « son cœur de pierre » se transforme en « cœur de chair ». (Olivier Clément, Apres Hiroshima et Auschwitz : la passion du Christ dans l’histoire des hommes, p 19, SOP, n 89, juin 1984, p.17-20).
A ces fortes et lumineuses paroles, je me permettrai d’ajouter ces mots qui évoquent une humble experience que beaucoup d’entre les jeunes ici présents ont, sans doute, je l’espère, eu le bonheur de vivre au sein de leurs mouvements respectifs. Je le ferai en songeant affectueusement à deux équipes mixtes d’adolescents, « l’Eau vive » et « l’Etoile du matin », avec lesquelles je poursuis, depuis peu, en coopération avec mes co-responsables, une prometteuse expérience, dans le cadre de la section du MJO à Tripoli-Marine. Me référant à l’espérance qu’éveille en moi cette expérience, je dirai donc que lorsque, dans une équipe de jeunes, la présence vivifiante du Christ tisse des liens d’affection, de compréhension et d’accueil réciproques, d’écoute attentive et respectueuse de l’autre et de coopération authentique, lorsque, à la faveur de ces liens, les langues jusque là muettes se dénouent, les timides et les repliés accèdent à la parole, lorsque la confiance en soi retrouvée dans un climat de communication fraternelle éveille, chez les plus effaces, des pouvoirs jusque là inconnus, alors c’est l’aube du Royaume qui est en train de poindre et c’est l’Etoile du matin qui resplendit dans les cœurs.