L’orthodoxie à Haïti

mjoa Friday September 27, 2013 124

haitiEn janvier 2010, un tremblement de terre qui n’a pas même duré une minute a emporté des milliers de vies et a fait sombrer le petit pays de Haïti dans le chaos. Mais la foi des Haïtiens est restée inébranlable.

Aujourd’hui, dix-huit ans après sa fondation, la mission orthodoxe à Haïti compte sept paroisses, cinq écoles et près de trois mille fidèles baptisés. Sur le territoire de tout le pays servent deux prêtres, les pères Grégoire Legouté et Jean Dumais, aidés par quatorze lecteurs. Les offices sont célébrés régulièrement dans toutes les paroisses. En l’absence du prêtre, les offices autres que la liturgie sont lus entièrement par les lecteurs.

 

 

 

 

Auprès de l’église de Saint-Moïse-l’Éthiopien fonctionne, sous la direction de la presbytéra Rose Legouté,  épouse du père Grégoire, l’école « Le foyer d’amour» pour les enfants attardés dans leur développement. À Haïti, de telles écoles constituent une rareté. L’État ne considère pas nécessaire de s’occuper de ces enfants, ils ne sont utiles à personne à Haïti. L’école de la presbytera Rose est leur seul espoir pour l’avenir.

Mais alors, comment l’orthodoxie est-elle apparue dans un pays francophone, où le catholicisme, au cours de plusieurs décennies était la religion dominante, et alors que la moitié de la population pratique le culte du vaudou ? L’activité missionnaire a commencé avec par le père Abraham, un ex-prêtre anglican, baptisé dans l’Église orthodoxe d’Antioche. Les cœurs ardents et purs des créoles de la population locale ont reçu avec joie la foi nouvelle, mais au bout de quelques années le père Abraham a quitté Haïti et le sein de l’Église orthodoxe, en raison de l’absence de soutien financier. Le troupeau qu’il avait quitté s’est avéré plus ferme dans la foi que son maître et il continue à croître jusqu’à ce jour, malgré la faim, le désarroi et les catastrophes politiques et climatiques.

Alors que la vie liturgique venait à peine d’être rétablie, Haïti a été frappée par une terrible tragédie, un tremblement de terre qui a coûté des milliers de vies humaines. Les Haïtiens ne sont pas rétablis jusqu’à maintenant des conséquences de cette catastrophe. Depuis trois ans, de nombreuses familles continuent à vivre dans des tentes, le chaos règne dans les villes, une grande partie de la population ne mange pas à sa faim. Les pertes de la mission orthodoxe ont également été immenses. L’église des Saints-apôtres-Pierre-et-Paul, qui se trouvait sur l’épicentre du tremblement de terre, a été totalement détruite. Les églises de la Nativité de la très sainte Mère de Dieu à Port-au-Prince et l’église Saint-Moïse-l’Éthiopien à Fontamara ont besoin de réparations majeures. L’école dirigée par Rosa Legouté pour les enfants handicapés ne peut être remise en état en raison de dommages importants.

L’école paroissiale de Port-au-Prince a été détruite. C’est le père Jean Dumais qui en était chargé. Il a lui-même perdu sa propre maison. La paroisse du Bienheureux-Augustin à Jacmel qui compte 600 fidèles, est abritée dans un minuscule local qui ne fait que ressembler à une église. Les prêtres célèbrent à l’intérieur, tandis que le peuple est debout dans la rue. Les édifices ecclésiastiques se trouvent ou bien en mauvais état ou sont constitués par des hangars construits hâtivement. Les jours de semaine, les églises, dans nombre de paroisses, sont utilisées pour les activités scolaires. Mais chaque samedi, on ôte les pupitres, on enlève le tableau, et l’église est transformée. Au centre, on place l’icône principale sur le lutrin et on allume les cierges… Pour les Haïtiens orthodoxes les cierges constituent un luxe que peu de gens peuvent se payer, raison pour laquelle les prêtres les distribuent gratuitement. Étant donné que le niveau de chômage à Haïti s’élève à 70%, les paroissiens ne peuvent entretenir leur prêtre. C’est plutôt le contraire : ce sont souvent les prêtres qui aident leurs paroissiens qui sont dans le besoin et souffrent de la faim. Malgré ces difficultés et la désorganisation, les paroisses orthodoxes haïtiennes sont pleines de vie.

Après l’union des deux branches de l’Église orthodoxe russe, la possibilité a été offerte d’envoyer cinq des meilleurs lecteurs au séminaire du Patriarcat de Moscou à Paris pour les préparer au sacerdoce. Un programme de trois années d’études a été mis en place pour eux, de telle façon que la vie liturgique des paroisses haïtiennes va bientôt trouver un second souffle. En outre, un fidèle de la paroisse Saint-Vladimir de Miami a été envoyé à Haïti en tant que bénévole.

Il s’agit d’Alexandre Hertzovitch, restaurateur de profession. « À ce jour, la situation, ici, est malheureusement déplorable » raconte-t-il, « dans beaucoup d’églises, il n’y a pas de partie séparée destinée au sanctuaire, le climat haïtien humide abîme les icônes, qui sont déjà peu nombreuses ». Alexandre a offert des icônes, des instruments liturgiques et amené des fonds récoltés à Miami aux paroisses haïtiennes. Grâce à ceux-ci, il a été possible d’installer une iconostase en l’église Saint-Moïse-l’Ethiopien. Ce travailleur bénévole a fabriqué lui-même deux lutrins et a restauré quelques icônes. Outre ces travaux concrets de restauration, Alexandre accomplit une œuvre encore plus importante : après son retour en Amérique, il a acquis d’excellents instruments pour le travail du bois et les a expédiés à Haïti. Alexandre a pour but, lorsqu’il reviendra à Haïti, d’apprendre aux paroissiens haïtiens le travail du bois, ce qui leur donnera une spécialité qu’ils pourront utiliser pour l’aménagement de l’église, mais qui sera pour eux également une source de revenus. Considérant le chômage total dans le pays, c’est généreux et vital.

 

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