In memoriam ! Olivier Clément – « Théologien de la beauté » (+1921-2009)

mjoa Friday January 22, 2010 172

Par Carol Saba,

« Ainsi je découvrais que l’orthodoxie, en France, ne se réduisait pas à des ghettos ethniques ou au triomphalisme de quelques exaltés. Des hommes, inséparables déjà du destin de ce pays, certains d’origine russe, d’autres grecques <…> acceptaient d’être ce qu’ils étaient, sans nostalgie ni agressivité: pratiquant le mariage des cultures, orthodoxes ici et maintenant, pour un partage désintéressé, sans rompre pour autant leurs racines « orientales » ni la continuité liturgique concrète de l’orthodoxie. Ces hommes m’ont accueilli et je n’ai jamais senti défaillir leur amitié. Leur marginalité relative rencontrait la mienne et se transfigurait parfois dans la marginalité nécessaire d’un christianisme renouvelé, partout en diaspora, partout crucifié entre l’exil et le royaume. ».

Olivier Clément, « L’autre soleil, autobiographie spirituelle ».

“Regards croisés sur l’oeuvre d’Olivier Clément”
Samedi 16 janvier 2010. Espace Bernanos, Paris. Premier anniversaire de la dormition en le Seigneur d’Olivier Clément, décédé à Paris le 15 janvier 2009. Un colloque, “Regards croisés sur l’oeuvre d’Olivier Clément”, est organisé par la revue Contacts et la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale. Centré sur l’oeuvre abondante d’Olivier Clément plutôt qu’à sa personne. Etaient présents notamment le métropolite Stéphane, primat de l’Eglise autonome d’Estonie (Patriarcat oecuménique), le métropolite Emmanuel (métropole grecque de France, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France), l’archevêque Gabriel (Archevêché des Eglises orthodoxes russes en Europe occidentale, Patriarcat oecuménique) ainsi que de nombreux parents et amis d’Olivier.
Mémoire éternelle !

« Nous sommes tous appelés au Christ, à ce grand voyage qui va durer aussi longtemps que notre vie et qui est le voyage vers le lieu du coeur, vers ce lieu qui est le centre le plus central de notre être, où nous sommes greffés sur Lui, sur le Ressuscité et où Il nous attend. Nous en pouvons entreprendre valablement ce voyage que si nous décidons d’être simple et d’être vrai, que si nous acceptons de nous recevoir en quelque sorte dans un certain étonnement fondamental. »

(« Le salut aujourd’hui et le problème de l’espérance », Olivier Clément, communication donnée en 1973 au Centre oecuménique du Hainaut, Belgique – revue « Contacts », n°228, octobre-décembre 2009)

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Au milieu Olivier Clément s’entretenant avec le Métropolite Meletios de France
(Photo et note manuscrite ci-dessous — Archives personnelles du métropolite Jérémie de Suisse)

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« J’aime écouter les autres parler d’eux. Je n’aime pas parler de moi. Seul compte, me semble-t-il, ce retournement du coeur qui rend possible l’avenir. « Va et ne pèche plus » dit Jésus à la femme adultère, après l’avoir sauvée de la lapidation. Tout est neuf à nouveau. Il n’y a plus de mort. Or, la mort est le miroir où, sans cesse, nous nous regardons. C’est pourquoi il me semble impossible de parler de moi. Le miroir est brisé. Mais je voudrais tenter de parler de Lui. Comment Il nous cherche. Comment Il m’a cherché, trouvé. »
Olivier Clément, L’autre soleil, autobiographie spirituelle, éd. Stock, 1986

 

 

 

Editorial — « Etre simple et être vrai », Olivier Clément

« Comment Il nous cherche. Comment Il m’a cherché, trouvé » — Quelles paroles pouvaient mieux montrer le chemin à suivre ? Quelles paroles pouvaient mieux illustrer le moment ultime de la « reconversion spirituelle », relaté par Olivier Clément dès la première page de son livre, «L’autre soleil ». Un livre de « notes d’autobiographie spirituelle ». Des « notes » livrées en bloc, de bout en bout. Sans sommaires ni chapitres. Comme un fleuve abondant, qui coule de source. Le tout pour bien signifier « l’unité » d’une vie, retrouvée, en Christ. « Notes » extraites du plus profond de l’expérience d’un homme qui « à vingt sept ans, après avoir surmonté la tentation du suicide, qui se convertit au christianisme sous l’influence d’un grand russe de l’émigration, Vladimir Lossky, et, à travers lui, (Nicolas) Berdaiëv et … devient orthodoxe » (L’autre soleil). Un homme qui parle de ce « voyage » vers Celui qui est devenu l’épicentre de sa vie. Celui qui est « tout en tous ». Celui qui rempli tout et donne sens à tout. « Tout est en Toi, Seigneur, je suis moi-même en Toi, reçois moi », Olivier reprend à son compte, à juste titre, la formule du pèlerin Macaire.
« Seul compte, me semble-t-il, ce retournement du coeur qui rend possible l’avenir. » L’avenir n’est possible qu’à la mesure de cette reconversion. Reconversion qui doit être métanoia, profonde, existentielle, essentielle. Pas sociale, protocolaire, de façade. Ce retournement, c’est le moment où le regard, notre regard personnel, en attente, en recherche, épuré, assoiffé et tendu, se tourne vers le « Visage des visages », vers Celui qui est « Lumière de Lumière », qui éclaire tout. Tout devient alors espérance et foi. « Tout est neuf à nouveau », déclare Olivier. C’est le moment où nous réalisons, après beaucoup d’égarements, que non seulement « nous avons été cherchés » mais, surtout, que « nous avons été trouvés ». C’est cette dynamique là qui, in fine, compte. Pas l’inverse. Pas la démarche affirmative, triomphaliste. On peut chercher longtemps sans trouver, si nous ne réalisons pas cette équation, essentielle, fondamentale, ontologique, à savoir que c’est « Lui qui nous cherche » et que « c’est à nous de s’offrir à Lui ». Il est parfois malheureux de constater combien nombreux, sont ceux qui, dans le vécu de l’Eglise d’aujourd’hui, s’installent avec bonne conscience dans une dynamique totalement inverse, celle de ceux « qui ont déjà tout trouvés » et qui pensent « avoir été trouvés ». Ils deviennent des “gestionnaires” qui ne “cherchent plus” ! Le développement inquiétant d’un certain “néo-pharisianisme” à plusieurs niveaux du vécu de l’Eglise d’aujourd’hui, ne peut s’expliquer que par cette démarche a—kénotique et parfois, anti-kénotique, triomphaliste et fermée, qui soigne davantage la forme que le fond et qui ne va pas à la recherche de l’Unique nécessaire dans une démarche audacieuse qui renverse la perspective, vers celle radicale du Seigneur dans le « Va et ne pèche plus » à l’adresse de la femme pécheresse.
« Va et ne pèche plus », dit Jésus à la femme adultère, après l’avoir sauvée de la lapidation. –— Olivier nous montre le chemin d’un christianisme davantage celui de la “transfiguration” que du “moralisme”, comme l’a démontré au colloque, avec une sensibilité “clémentine”, Franck Damour. Il avait raison d’affirmer qu’Olivier Clément était davantage l’expression d’une « spiritualité théologienne » que d’une “théologie spirituelle”. Là réside toute la différence, de taille, de perspective. La spiritualité théologienne, c’est l’expérience spirituelle de l’homme qui va à la recherche de Dieu dans la prière contemplative, kénotique, et qui trouve son accomplissement dans la contemplation théologique du mystère de la Présence. C’est la démarche de l’écoute. « Enseignes moi Ta volonté car Tu es mon Dieu ». C’est la montée de Moïse sur le Mont Sinaï allant à la rencontre de Dieu, dans une attitude kénotique, à la fois corps et esprit. C’est cette attitude qui permet la révélation. Qui permet la sortie de Dieu et son dévoilement à l’Homme qui vient à Sa rencontre, pour que « nous allons de commencements en commencements par des commencements qui n’ont jamais de fin » (saint Grégoire de Nysse). Grande leçon d’humilité pour une certaine théologie académique de l’Eglise d’aujourd’hui !
« Etre simple et être vrai ». Olivier a raison. Simplicité est beauté. La “beauté sauvera le monde” (Dostoïevski). Simplicité et vérité. Dialectique essentielle qui doit être au coeur de la vie de l’Eglise et de son expression. Dans la théologie de l’Eglise. Pour que notre théologie soit davantage une théologie « priante » qu’une théologie « académique » encensée ici et là. Dans l’ordonnancement de la « communion » (kenonia) à tous les niveaux de nos entités ecclésiales, patriarcales, diocésaines, paroissiales, afin que nous soyons, en réalité et en vérité, dans l’institutionnel et le relationnel, le Corps du Christ. Dans notre « chant liturgique » pour qu’il soit davantage un « chant priant », le véhicule liturgique de la prière de l’ensemble de la communauté rassemblée plutôt qu’un « chant professionnel », animé de plus en plus par la tension « technique » plutôt que « liturgique », transformant la louange collective en une « représentation » d’individus ou même, parfois, de choeurs. Dans le « vécu liturgique » de nos communautés pour qu’elles redeviennent des « communautés vivantes », davantage « visionnaires » que « gestionnaires ». Des lieux de vie, d’amitié et de communion. Qui témoignent au coeur de la cité du Beau et du Vrai. Des lieux qui comprennent la grandeur de la Croix et de la résurrection du Christ. Qui le signifient au monde sans tiédeur. « Le père Sophrony, disait Olivier, m’a fait comprendre que l’orthodoxie n’est pas une idéologie mais la résurrection ». A nous aussi de tenter, réellement, en simplicité et vérité, de le comprendre !

 

olivier_1 Théologien laïc et historien, converti au Christ après une longue recherche dans l’athéisme et les spiritualités asiatiques, devenu l’un des témoins les plus estimés et les plus féconds de l’orthodoxie en Occident. Agrégé d’histoire, a longtemps enseigné au lycée Louis-le-Grand à Paris. Professeur à l’Institut de théologie orthodoxe (Institut Saint Serge). L’un des fondateurs de la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale. Auteur d’une trentaine d’ouvrages consacrés à l’histoire, la pensée et la vie de l’Eglise orthodoxe, et à la rencontre de l’orthodoxie, du christianisme occidental, des religions non chrétiennes et de la modernité. Responsable de la revue de théologie Contacts. Docteur honoris causa de l’Institut de théologie de Bucarest et de l’Université catholique de Louvain (Louvain-La-Neuve). Marié, père de famille et grand-père. <Source : Parole orthodoxe, Cerf, Service orthodoxe de presse>.

Olivier Clément – « diacre de la parole, une oeuvre abondante »

A signaler, le numéro spécial de la revue Contacts, revue française de l’orthodoxie, consacrée entièrement à Olivier Clément. « Un grand théologien orthodoxe du XXème siècle, Olivier Clément (1921-2009). A lire aussi le livre de Frank Damour, Olivier Clément, son itinéraire spirituel et théologique, Un passeur (Anne Sigier, 2003). Mais aussi les écrits d’Olivier dont

  • L’autre soleil, autobiographie spirituelle, Ed. Stock, 1986
  • Dialogue avec le patriarche Athénagoras, Olivier Clément, Fayard, 1969
  • La révolte de l’Esprit, Olivier Clément en collaboration avec Stan Rougier, Stock, 1978
  • Mémoire d’espérance, entretiens avec Jean Claude Noyer, DDB, 2003
  • La vérité vous rendra libre, entretiens avec le patriarche oecuménique Bartholomée, JC Lattès, DDB, 1996
  • Rome autrement, un orthodoxe face à la papauté, DDB, 1997
  • Déracine-toi et plante-toi dans la mer, Anne Sigier
  • Sillons de lumière, Fates, cerf, 2002

« Et Il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire » Un DVD sur la Nativité, produit par le Mouvement de la jeunesse orthodoxe (Lattaquié)

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Le Mouvement de la jeunesse orthodoxie du diocèse grec-orthodoxe d’Antioche de Lattaquié (Syrie) vient de réaliser en co-production avec la télévision syrienne, un film documentaire DVD, ayant pour thème la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ avec pour titre « Et Il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire » (prologue de l’Evangile de saint Jean 1-14). Le documentaire consiste en plusieurs entretiens avec des membres du clergé et des laïcs portant sur le sens théologique de la fête de la Nativité et du mystère de l’incarnation ainsi que sur le rôle de la Mère de Dieu dans le plan du salut. Le film commence par une description narrative de la chute d’Adam et d’Eve du paradis et puis, d’épisodes en épisodes, on arrive à la Nativité, à Bethléem. Le DVD comporte des informations, des entretiens et des chants liturgiques. Pour le commander : MJO Lattaquié, téléphone portable (Syrie) : 00 933639840-00963. (Source site du MJO – www.mjoa.org )

Bonne lecture ! Quelques parutions sur les « chrétiens d’Orient »

  • Les nouveaux défis des chrétiens d’Orient, d’Istanbul à Bagdad, Sébastien de Courtois, JC Lattès, 2009
  • Chrétiens d’Orient, Et s’ils disparaissaient, Les cahiers de l’Orient / Bayard — 2009 (collectif d’auteurs sous la direction d’Antoine Sfeir)
  • Ces chrétiens qu’on assassine, René Guitton, Flammarion, 2009
  • Un candide en Terre sainte, Régis Debray, folio, 2008

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